Approches ludique et informatique, vers l'autonomie en mathématiques

Les élèves allophones de niveaux mathématiques très hétérogènes, intégrés dans des classes ordinaires, n’ont pas tous les mêmes compétences mathématiques. Comment, dans cette situation, faciliter l’acquisition de nouvelles notions et la transposition des acquis de la langue d’origine vers le français pour les EANA adolescents ?

Leur niveau de français ne leur permet pas de comprendre un discours long et d’en extraire les informations, l’enseignement traditionnel n’est pas adapté à ce stade. L’approche ludique s’est alors présentée comme une entrée pouvant faciliter l’acquisition et la compréhension des notions travaillées en classe.

Approche ludique

L’enseignement/apprentissage par le jeu n’est pas très répandu dans le système scolaire français. Les élèves, autant que les enseignants, assimilent souvent jeu avec détente et enseignement/apprentissage avec travail.
Dans l'UPE2A, il nous parait  judicieux d’utiliser des méthodes d’enseignement quelque peu différentes de la classe ordinaire pour que les élèves puissent appréhender les notions plus aisément.
En effet, la pédagogie ludique aborde différemment des notions ou compétences, ce qui peut faciliter les apprentissages chez des élèves pas ou peu scolarisés antérieurement, ceux-ci ayant de ce fait, quelque difficulté à se concentrer dans des activités scolaires traditionnelles, tels que les cours magistraux ou dialogués.  La concentration nécessaire pour suivre et comprendre ce qui est dit empêche bien souvent les élèves EANA de se focaliser sur les notions de cours enseignées.

Les sites que nous proposons autorisent l’élève, ou l’enseignant, à choisir le niveau des thèmes abordés, ce qui permet à l’élève de manipuler des notions qu’il a déjà étudiées ou de nouvelles notions en lien avec ce qu’il connait. Il développe alors ses propres compétences.
Le site sésamaths, par exemple, propose des exercices autour d’un thème aidant les élèves à
► réviser les notions qu’ils doivent maîtriser en amont,
► résoudre des exercices types,
► aller plus loin en utilisant les notions acquises dans un autre contexte qui est dans la continuité du thème travaillé.
L’enseignant fait alors travailler l’élève à son rythme, lui fournissant ainsi une aide adaptée et personnalisée.

Ces activités sont source de motivation pour les élèves qui changent de statut : d’élèves, ils deviennent  joueurs, et par conséquent actifs.
La manipulation de cartes, représentant des figures ou des propriétés, donne la possibilité aux élèves de s’approprier les notions, de les découvrir comme des objets réels et non plus comme des notions abstraites. Le fait de jouer avec d’autres pour s’approprier des connaissances mathématiques leur permet de garder un vécu associé aux notions apprises et de pratiquer la langue orale en contexte réel de communication. Ces situations sont motivantes pour l’élève et la mémorisation est facilitée. N’oublions pas que le jeu représente une  compétition. La motivation qu'entraîne l’envie de gagner permet aux élèves de mobiliser leurs connaissances pour essayer d’être le meilleur et de prouver, aux autres comme à eux mêmes, qu’ils sont un atout pour leur équipe.

Présentation de jeux

L’IREM de Caen a créé des jeux permettant de manipuler des notions mathématiques. Voir le site jeux 2 maths. Tous les jeux sont libres de droits, et la règle du jeu ainsi que le matériel sont disponibles et imprimables. Les notions très variées abordées concernent autant l’algèbre que la géométrie, pour des élèves de la sixième à la seconde. Nous avons retenu deux jeux qui facilitent l’apprentissage et l’appropriation des propriétés et des codages : le jeu Tripoly et le jeu  Démotron, qui fait travailler la déduction.

Tripoly

Tripoly permet de travailler les codages géométriques ainsi que les propriétés des parallélogrammes et des triangles particuliers. Ces notions sont abordées en 5ème et revues en 4ème.

Objectifs

- Mise en application des codages et des propriétés
- Reconnaître des figures classiques à partir des codages et des propriétés.

Une liste des caractéristiques des polygones présentés dans le jeu peut être mise à disposition des élèves si ceux-ci ne sont pas encore tout à fait sûrs d’eux. Cette liste leur servira de référence en cas de doute quant à la nature d’une figure.

Nous avons proposé Tripoly à des EANA de collège pour les aider à se remémorer les propriétés et les codages. En amont du jeu, un travail sur la construction des propriétés a été effectué, ainsi qu’une mise en application sur un autre site (amicollège). Ces activités nous ont permis de découvrir que ces codages n’étaient pas acquis par tous les élèves.

Matériel

le jeu est composé de 32 cartes de 8 « familles »  différentes (triangles isocèles, triangles isocèles rectangles, triangles équilatéraux, carrés, rectangles, cerfs volants, parallélogrammes et losanges) et d’un plateau de jeu contenant 8 cases (une par famille). Le but : marquer le plus de points par association de cartes d’une même famille.

Le jeu se déroule de la manière suivante :
Le plateau de jeu est posé au centre de la table.

- Chaque élève reçoit 4 cartes, les autres cartes sont posées face cachée en tas sur la table et constituent la pioche. Quand un joueur se défaussera d’une carte, il la posera face visible à côté de la pioche.

- A son tour l’élève peut poser dans la case correspondante 2, 3, 4 cartes représentant un polygone de même nature (ou 2 fois 2 cartes représentant un polygone de même nature) ou compléter les combinaisons déjà posées. Il pioche ensuite le nombre de cartes manquantes (le joueur doit toujours avoir 4 cartes en main).

- S’il ne peut pas ou ne veut pas jouer, il peut essayer d’échanger une carte avec un de ses adversaires en annonçant le nom du polygone qu’il veut donner et le nom du polygone qu’il veut obtenir.

- Si aucun adversaire n’accepte l’échange, le joueur prend une carte dans la pioche (ou la carte supérieure de la défausse) puis se débarrasse d’une carte qu’il pose face visible sur la défausse.

- Si un joueur commet une erreur en posant ses cartes, il doit les reprendre et passer son tour sans piocher. Si un joueur donne une mauvaise carte lors d’un échange, il devra passer son tour lorsque ce sera à lui de jouer.

- Lorsque la pioche est vide, les joueurs complètent leur jeu en prenant les cartes supérieures de la défausse.

- La partie est finie quand la pioche est vide et qu’un joueur a posé toutes ses cartes.

Démotron

Démotron est proposé à des EANA de 5ème et 4ème, pour travailler les propriétés des quadrilatères et les enchaînements déductifs.
Les élèves  manipulent la démonstration et sa logique sous-jacente ; c’est pour cette raison que nous l’avons utilisé en classe. Cette activité donne ainsi la possibilité de s’exercer à la construction des démonstrations dans un cadre plus ludique qu’un exercice classique nécessitant une rédaction.

Objectifs

- Créer des enchaînements déductifs ;
- Utiliser les propriétés et les données géométriques ;
- Apprendre le schéma logique de la démonstration.

Ce jeu s’adresse à des élèves lecteurs, ayant déjà abordé la démonstration et connaissant les bases du langage mathématiques. Ce jeu les aidera à s’approprier la démonstration et le schéma logique qui lui est propre.

Matériel : Démotron est un jeu composé de 96 cartes classées suivant trois catégories : les cartes « quadrilatères » , les cartes « particularité(s) » et les cartes « propriété ». Le but du jeu est de créer le plus d’enchaînements déductifs en composant des combinaisons de cartes. Les cartes posées sur la table doivent respecter le schéma logique suivant « données + propriétés + conclusion », le document n°7 est un exemple de combinaison possible. 

Exemple de combinaison possible.

Le jeu se déroule de la manière suivante :

- Chaque joueur pioche quatre cartes de chaque catégorie. Le reste des cartes constitue une pioche par catégorie.

- Dès qu’un joueur réussit à associer assez de cartes, il les pose et complète son jeu en piochant pour avoir à nouveau quatre cartes de chaque catégorie.

- Un joueur peut poursuivre l’une de ses combinaisons posées à condition que le nouvel enchaînement déductif ainsi créé ne soit pas « trivial » : un enchaînement proposant un parallélogramme en donnée de départ et en conclusion finale n’est pas accepté.

- Lorsqu’on ne peut pas jouer, il faut passer son tour, mais on peut changer la totalité ou une partie de ses cartes. Les cartes rejetées sont placées en dessous de la pioche de sa catégorie.

- Si un joueur commet une erreur, il reprend ses cartes et passe son tour.

- La partie s’arrête lorsqu’au moins une catégorie de cartes est épuisée, ou que l’on a fait 10 tours de jeu.

Ce jeu a été proposé après que les élèves ont pu s’exercer à la démonstration sur le site « amicollège ». Nous voulions vérifier s’ils avaient compris comment construire une démonstration. Nous avons parfois modifié la règle du jeu. Lorsque nous avons proposé ce jeu tel quel aux élèves, nous avons réalisé que le fait qu’ils n’aient pas de combinaisons possibles en main les démotivait très vite. Nous leur avons alors proposé de jouer en équipe, les cartes ,classées par catégories, étaient posées sur la table. Le principe était le même : les joueurs devaient construire des enchaînements déductifs suivant le même schéma logique, mais la manière de procéder était différente : chaque équipe devait prendre des cartes dans chaque catégorie  pour créer son  enchaînement, que l’arbitre validait ou non. Pour chaque enchaînement déductif correct, l’équipe gagnait un point ; si l’enchaînement proposé était faux, l’équipe perdait alors un point.

Le Domidémo

Télécharger le matériel (p274)

Objectifs

- Vérifier que les propriétés utiles à la démonstration sont acquises.

Ce jeu, d’évaluation, est basé sur les règles du jeu de Domino, le but étant de reconstruire des propriétés à partir des dominos donnés. Il faut absolument que les élèves soient lecteurs, qu’ils aient vu les propriétés et les connaissent. Si ce n’est pas le cas, l’enseignant pourra mettre à leur disposition une fiche récapitulant les propriétés utiles en géométrie.

Approche informatique : exercisiers

La compétence 4 du socle commun, intitulée « la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication » regroupe les compétences du B2i (Brevet informatique et Internet) qui devront être acquises à la fin de la scolarité obligatoire.
Nous avons remarqué que les élèves sont plus intéressés par des exercices présentés sur ordinateur que par des exercices similaires présentés dans un manuel. L’apport de l’ordinateur dans le contrôle des connaissances nous a permis de dégager trois raisons de l’utiliser avec des EANA

- la motivation des élèves qui semble décuplée sur ordinateur
- l’autonomisation
- l’évaluation possible par l’enseignant qui peut vérifier les notions acquises.

Exercices interactifs

Les activités en ligne sont mieux accueillies que les activités classiques. Très habiles dans l’utilisation de l’ordinateur, les élèves se montrent experts, ce qui leur donne confiance en eux. De plus, les exercices interactifs placent l’élève au centre, il est actif tout au long de la résolution de la tâche qui lui est demandée, et il reçoit un retour à la fin de chaque exercice, soit lui permettant de comprendre où il s’est trompé, soit le félicitant en cas de réussite. Ces exercices peuvent être refaits, ce qui  donne la possibilité de se rendre compte de ses progrès et de revenir sur des questions qui  ont posé problème.
Lorsque les élèves travaillent sur des sites proposant plusieurs exercices sur un même thème, ils peuvent dégager une structure-type d’exercice, et ainsi réfléchir sur la façon la plus appropriée de résoudre celui-ci. Les élèves apprennent ainsi à ordonner leur raisonnement ; les exercices classiques permettent ensuite à l’enseignant de vérifier s’ils sont capables de transposer ces savoirs dans des activités scolaires.

Autonomisation

L’utilisation des exercices en ligne permet à l’élève de travailler seul, sur des notions choisies, selon ses compétences. Les sites amicollège et sésamaths permettent chacun l’autonomie de manière différente. Cependant, cette autonomie nécessite l’intervention d’un tuteur qui guide l’élève, s’il n’arrive pas à comprendre immédiatement ce qui lui est demandé, malgré les aides affichées.

amicollège permet à l’élève de trouver les réponses parmi des choix dans un menu déroulant. pour retrouver les notions ou propriétés à appliquer, comme il aurait pu le faire en feuilletant son cours.

sésamaths  a mis l’accent sur l’aspect de l’apprentissage interactif. Chaque activité propose des aides intégrées dans les exercices, soit au niveau de l’utilisation de l’outil, soit pour la résolution de l’exercice : des explications ou des exemples donnent des clés quant à la façon de résoudre le problème  et d’utiliser les instruments proposés.

Béatrice Polack, stagiaire CASNAV, M2 2010